Trois questions à Giovanni Stevanin et Cyril Goizet
En janvier 2022, l’INCIA a accueilli une nouvelle équipe : « Recherche translationnelle sur les maladies neurogénétiques (NRGEN) ». Giovanni Stevanin et Cyril Goizet sont responsables de cette équipe dédiée à l’amélioration des connaissances dans les formes héréditaires des maladies neurodégénératives.
Bordeaux Neurocampus : Pouvez-vous nous expliquer votre domaine d’étude ?
Cyril Goizet et Giovanni Stevanin : À l’interface entre les neurosciences, la neurologie et la génétique humaine, l’équipe rassemble des chercheurs s’intéressant principalement (mais pas exclusivement) à un continuum de troubles neurogénétiques qui se chevauchent, couvrant les dégénérescences spinocérébelleuses (ataxies, paraplégies spastiques), les maladies du motoneurone (sclérose latérale amyotrophique, paraplégies spastiques héréditaires, neuropathies) et les neurodégénérescences avec accumulation de fer dans le cerveau. Notre objectif est de disséquer les bases moléculaires de ces maladies neurogénétiques dans le but de développer des thérapies spécifiques, qui font défaut pour la quasi-totalité d’entre elles. Nous avons identifié par le passé une vingtaine de gènes responsables de ces maladies et contribué à des études sur une quarantaine d’entre eux.
Quelle est la force de cette équipe ?
Notre atout principal réside dans sa complémentarité. Nos compétences recouvrent le domaine clinique avec Cyril Goizet, la génétique et la modélisation chez la souris grâce à Giovanni Stevanin, la modélisation chez la levure et la biochimie avec Jean-Paul Lasserre, et la modélisation cellulaire in vitro avec Isabelle Coupry et Christelle Durand. Nous utilisons une combinaison d’outils afin d’améliorer les capacités diagnostiques dans ces maladies (lutte contre l’errance diagnostique) incluant des analyses génétiques (exome, génome, détection d’expansions de répétitions) pour mieux caractériser les spectres cliniques et mutationnels et établir des corrélations phénotype-génotype tout en étudiant leurs supports génomiques. Nous cherchons également à mieux comprendre leurs bases physiopathologiques via des analyses fonctionnelles (modèles cellulaires, levure et souris) permettant aussi de rechercher des biomarqueurs et de nouvelles cibles thérapeutiques spécifiques.
Nos approches visent ainsi à améliorer la prise en charge des patients. Par exemple, nous nous spécialisons dans la méthode de séquençage haut-débit de « Long fragments », c’est-à-dire de molécules d’ADN ou ARN pleine longueur afin de faciliter le diagnostic génétique des répétitions nucléotidiques avec le centre de référence dirigé par Cyril Goizet. De plus nous recherchons de nouveaux gènes en cause. Aujourd’hui, il y a un « goulot d’étranglement » diagnostique, et il faut s’intéresser aux régions non codantes du génome et rechercher d’autres types de mutations telles que les amplifications de répétitions nucléotidiques. L’utilisation de la technologie de séquençage de longs fragments est une approche en plein essor pour ces applications.
Que vous apporte l’intégration à Bordeaux Neurocampus ?
Faire partie de l’INCIA a plusieurs intérêts. Les maladies neurodégénératives héréditaires se caractérisent par des atteintes cognitives et motrices, qui sont des thématiques de recherche de l’INCIA. De plus, l’institut dispose d’une plateforme dédiée au mouvement, la PAM. Nous allons pouvoir analyser en détail les impacts moteurs des maladies neurogénétiques étudiées. Par ailleurs, nous collaborons déjà avec le département, notamment avec l’IINS, sur un nouveau gène causal que nous avons identifié récemment, pour nous aider à comprendre les effets biologiques des variants.
En outre, nous renforçons la neurogénétique à Bordeaux Neurocampus, discipline qui n’était que peu représentée jusqu’alors. Nous enrichissons le domaine de compétence du département grâce à une démarche d’identification des formes génétiques chez l’homme et de modélisation chez l’animal pour identifier les molécules d’intérêt thérapeutiques, avec un focus sur les ataxies, les dégénérescences spinocérébelleuses et les neurodégénérescences avec accumulation de fer dans le cerveau. Le modèle levure maitrisé dans l’équipe est un atout de choix pour cribler des molécules d’intérêt thérapeutique. Bien sûr, nous pouvons adapter cette méthode à d’autres maladies. Nous sommes des neurogénéticiens très ouverts aux collaborations.
Enfin, nous souhaitons nous investir dans la formation en créant un DIU de Neurogénétique national ouvert aux cliniciens et chercheurs et une formation technique de niveau bachelor pour former des assistants ingénieurs à la démarche scientifique sur le modèle du bachelor de recherche biomédicale créé il y a 10 ans à Paris (ESTBA).
A propos
Giovanni Stevanin :
– directeur de recherche Inserm
– directeur d’études cumulant de l’EPHE/Université PSL
– depuis 2019, dirigeait l’équipe « Neurogénétique fondamentale et translationnelle » à l’ICM
Cyril Goizet :
– PU-PH au CHU de Bordeaux, service de génétique médicale
– Responsable du centre de référence de Neurogénétique
Voir la fiche de l’équipe NRGEN
Mise à jour: 22/02/23