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Pour maintenir la polarité neuronale, l’endocytose à la base de l’axone est nécessaire

Source : https://www.insb.cnrs.fr/


Les neurones sont constitués de deux parties très différentes : l’axone, et « le reste ». Pour maintenir ces différences, deux mécanismes cellulaires étaient connus. En combinant de la génétique sur un neurone identifié du ver C elegans, et la détection de l’endocytose dans des neurones de rongeur ou des neurones différenciés humains en culture, les scientifiques ont mis en évidence un nouveau mécanisme, l’endocytose dans le segment initial de l’axone. Ces résultats sont publiés dans la revue Nature.

Les neurones, les cellules principales du cerveau, sont des cellules très polarisées, c’est-à-dire qu’elles sont formées de deux parties très différentes : d’une part l’axone, un compartiment tubulaire très fin (moins de 1 µm de diamètre) qui peut atteindre pour certains neurones une longueur de plusieurs cm où même près d’un mètre. L’axone permet la transmission de signaux électriques vers des neurones cibles par l’intermédiaire de synapses. D’autre part, le corps cellulaire et les dendrites, qui composent la partie « réceptrice » du neurone, où se trouvent de nombreuses synapses formées avec d’autres neurones. Les signaux électriques en provenance des synapses sont combinés puis, s’ils sont suffisamment importants, vont provoquer la génération d’un potentiel d’action au niveau d’un compartiment intermédiaire entre l’axone et le soma appelé le segment initial de l’axone (SIA). Outre son rôle dans la génération de potentiel d’actions, le SIA joue un rôle très important pour préserver la polarisation des neurones. En effet, les éléments constituants l’axone ou les dendrites/soma, en particulier les protéines, sont très différents. Les neurones possèdent, au niveau du SIA, des mécanismes permettant le tri des éléments cellulaires afin de garantir cette polarité. Jusqu’à présent, les scientifiques ont pu mettre en évidence deux mécanismes cellulaires permettant de préserver la polarité. Premièrement, les vésicules de transport intracellulaires sont triées au niveau du SIA : celles transportant les protéines axonales passent un filtre situé dans le SIA tandis que les vésicules transportant les protéines dendritiques entre dans le SIA mais ne peuvent passer le filtre et font demi-tour. Deuxièmement, les protéines situées sur la membrane plasmique à la surface des neurones diffusent dans la membrane mais le SIA possède également une barrière de diffusion qui permet de filtrer les protéines de surface dendritiques en les empêchant de diffuser dans l’axone.

Dans le cadre d’une collaboration avec l’Université de Stanford en Californie, des chercheurs de l’uipe de David Perrais (IINS) ont identifié un troisième mécanisme de préservation de la polarité des neurones : l’internalisation des protéines de surface dendritiques par endocytose et leur dégradation dans le SIA. Pour parvenir à cette conclusion, ils ont utilisé trois modèles biologiques. Tout d’abord, ils ont étudié certains neurones du ver nématode Caenorhabditis elegans, un ver d’un millimètre de long qui est l’un des systèmes modèles les plus étudiés par les biologistes. En concentrant leur étude sur l’un des 302 neurones de ce ver, les scientifiques ont montré que ce neurone possède un AIS et que le blocage de l’endocytose spécifiquement dans ce neurone provoque la redistribution d’une protéine de surface dendritique appelée DMA-1 vers l’axone. De plus, cette protéine, qui est responsable de la formation des branches dendritiques, provoque la formation ectopique de branches normalement absentes dans l’axone lorsqu’elle est présente dans l’axone. Ils ont également montré que l’endocytose joue le même rôle pour les protéines de surface dendritiques dans les neurones humains, ainsi que dans les neurones de rongeurs. Les scientifiques ont également directement visualisé l’endocytose du SIA à l’aide d’une méthode d’imagerie par fluorescence permettant de détecter la formation de vésicules d’endocytose en temps réel (voir Sposini et al. 2020) pour montrer que les protéines de surface dendritiques sont effectivement internalisées dans l’AIS des neurones, et que la fréquence de formation de vésicules d’endocytose est la même que dans les dendrites.

Ces résultats constituent une avancée importante dans la compréhension des mécanismes cellulaires de formation et de préservation de la polarité neuronale. Ils permettront également d’étudier cette nouvelle forme d’endocytose et d’en déterminer les mécanismes spécifiques, ce qui pourrait conduire à une meilleure compréhension du fonctionnement de l’AIS, un compartiment essentiel de la fonction neuronale.

Figure : L’endocytose dans le SIA est nécessaire pour le maintien de la polarité des protéines dendritiques. A, Morphologie du neurone PVD dans C. elegans. Les dendrites sont très longues et ramifiées, alors que l’axone ne se ramifie pas. Dans l’AIS, identifié avec divers marqueurs, les points marquent la protéine dendritique (DMA-1) endocytée. B, Dans un neurone de rat, les événements d’endocytose contenant une protéine dendritique se produisent dans les dendrites et le soma (croix bleu clair) et le SIA (croix jaunes) mais très peu dans l’axone. C, Dans les neurones humains, après avoir bloqué l’endocytose, les protéines dendritiques, normalement non présentes dans l’axone, deviennent détectables dans l’axone. D, Schéma des trois mécanismes cellulaires qui maintiennent la polarité dans les neurones. Le troisième mécanisme, l’endocytose dans le SIA, est révélé dans l’étude de Eichel et al. Crédit : David Perrais

A propos

Références :

Endocytosis in the axon initial segment is a clearance mechanism to maintain neuronal polarity.
Kelsie Eichel, Takeshi Uenaka, Vivek Belapurkar, Rui Lu, Shouqiang Cheng, Joseph S. Pak, Caitlin A. Taylor, Thomas C. Südhof, Robert Malenka, Marius Wernig, Engin Özkan, David Perrais & Kang Shen
Nature ; 17 août 2022.
DOI : 10.1038/s41586-022-05074-5

Imaging endocytic vesicle formation at high spatial and temporal resolutions with the pulsed-pH protocol.
Silvia Sposini, Morgane Rosendale, Léa Claverie, Thi Nhu Van, Damien Jullié, David Perrais
Nature Protocols ; septembre 2020
DOI : 10.1038/s41596-020-0371-z

Contact :

David Perrais
Chercheur CNRS à l’Institut interdisciplinaire de neurosciences (CNRS/Université de Bordeaux)
+33 5 33 51 48 61

Publication: 24/08/22
Mise à jour: 07/09/22