Lieu : Amphithéâtre du bâtiment BBS
Soutenance en français
Valentine Chirokoff
INCIA
Equipe : Contrôle moteur et cognition
Thèse dirigée par Joel Swendsen et Sandra Chanraud
Titre
Processus cognitifs de l’Addiction: du Cerveau à la Vie Quotidienne
Résumé
L’addiction est un enjeu de santé publique majeur caractérisé par un fort taux de rechute, potentiellement soutenu par l’envie impérieuse de consommer une substance (craving), et des déficits de fonction cognitive de haut niveau. Cette thèse a utilisé l’évaluation momentanée écologique (EMA) par smartphone afin d’obtenir des mesures répétées des performances d’inhibition, du craving et de la consommation chez des patients ayant une addiction à différentes substances (alcool, nicotine, cannabis) et des sujets contrôles. En parallèle, nous avons acquis par imagerie multimodale des données cérébrales de ces mêmes patients. Notre premier objectif était d’évaluer l’influence sur la consommation, des fluctuations dynamiques du craving et des performances momentanées d’inhibition en vie réelle. Un deuxième objectif était de déterminer l’association de ces variables avec la connectivité anatomofonctionnelle du cerveau. À l’aide d’analyses de modélisation prospectives, nous avons d’abord démontré que les patients présentent des symptômes de craving hautement instables et dont les fluctuations prédisent l’usage au-delà de l’intensité moyenne. Plus le craving était instable, plus les participants avaient tendance à consommer et plus la connectivité fonctionnelle cérébrale entre zones intéroceptives, limbiques et exécutives était altérée. Notre deuxième étude a complémentairement examiné la prédiction de l’usage en temps réel en analysant l’interaction entre les performances d’inhibition, le craving et la consommation momentanée. Nous avons mis en évidence un cercle vicieux dans lequel la consommation à un moment précis prédisait une plus forte probabilité de consommation future. Cependant, la qualité des performances d’inhibition évaluées simultanément permettait à la fois 1) de prédire une probabilité de consommation plus faible par la suite et 2) de briser ce cercle vicieux en médiant le lien entre consommation et consommation future. Ces performances étaient également liées au niveau de connectivité fonctionnelle dans un réseau fronto-occipito-cérébelleux, lui- même prédisant la probabilité de consommation. Bien que cette étude n’ait pas révélé d’interaction entre les performances d’inhibition et le craving ni de chevauchement de leur base cérébrale, elle a souligné l’effet protecteur de l’inhibition et des marqueurs cérébraux sous-jacents. Enfin, nous avons étudié un marqueur cérébral qui pourrait sous-tendre à la fois les facteurs cognitifs et cérébraux fonctionnels observés. Dans notre troisième étude, nous avons montré que les déficits d’inhibition étaient liés à une intégrité cérébrale plus faible dans des fibres de matière blanche frontales, elles-mêmes liées à la connectivité fonctionnelle observée dans le réseau fronto-occipito-cérébelleux. De plus, cette intégrité modérait l’effet de l’inhibition sur la consommation, de sorte que de meilleures capacités d’inhibition prédisaient la probabilité de consommation la plus faible pour les indices d’intégrité de la matière blanche les plus élevés.
Ainsi, pour la première fois les performances neuropsychologiques sont directement liées à l’intégrité du cerveau et ses marqueurs anatomo-fonctionnels permettant une prédiction de la consommation prenant en compte l’interaction psychologique et biologique caractérisant l’addiction. L’application de ces marqueurs dans une perspective clinique pourrait permettre l’identification des patients à fort risque de rechute en et ce temps réel.
Mots clés
Addiction ; EMA ; Fonctions éxécutives ; Craving ; Marqueurs cérébraux.
Publications
Jury
Pr Fabien Gierski (Examinateur),
Pr Jean Philippe Ranjeva (Examinateur)
Dr Anne Lise Pitel (Rapporteur)