Entretien : Roman Walle
C’est la dernière ligne droite pour Roman Walle (NutriNeuro- Equipe Capuron – Layé) qui soutiendra sa thèse dans quelques mois. Pendant qu’il était plongé dans ses dernières expériences, nous avons pu l’interrompre un court instant pour lui poser quelques questions.
Vous préparez votre thèse sur la dissociation fonctionnelle des sous-populations de neurones dopaminoceptifs du striatum ventral. Quels sont les enjeux de cette recherche ?
Ce projet est né au cours de mon stage de master 2 à NutriNeuro, effectué dans l’équipe de Pierre Trifilieff, mon directeur de thèse à l’heure actuelle.
La majorité (95%) des neurones du striatum ventral sont des neurones épineux moyens (dits MSN, pour medium spiny neurons) dont l’activité est fortement modulée par le neuromodulateur dopamine. Ces MSNs se divisent en 2 sous-populations qui expriment soit le récepteur à la dopamine de type D1, soit le récepteur à la dopamine de type D2. Le modèle classique considère que tandis que les D1-MSNs jouent un rôle facilitateur sur la motivation, les D2-MSNs ont plutôt un effet inhibiteur.
Plusieurs études contradictoires sont sorties à cette époque (Soares-Cunha et al., 2016 ; Natsubori et al., 2017 ; Gallo et al., 2018). Nous avons donc décidé de nous mêler au débat.
Les résultats que j’ai obtenus vont plutôt dans le sens du modèle classique concernant le contrôle des processus motivationnels, tout en montrant qu’évidemment les choses sont plus complexes. Notamment, nous avons mis en évidence que ces 2 populations de MSNs, outre leur implication dans la modulation de la composante motivationnelle, jouent un rôle central et opposé dans le contrôle de la prise alimentaire : l’activité des D1-MSNs crée un sentiment de satiété, tandis que celle des D2-MSNs est plutôt orexigène, c’est-à-dire qu’elle stimule l’appétit. Et plus récemment nous avons également montré que ces effets sur la prise alimentaire s’accompagnent d’une modulation de l’activité physique.
Ces résultats sont particulièrement intéressants dans le contexte des troubles alimentaires tels que l’obésité et l’anorexie qui se caractérisent par une perturbation du système de la récompense mais également d’une diminution, ou au contraire d’une augmentation de l’activité physique respectivement dans le cas de l’obésité et de l’anorexie. Ces pathologies étant souvent associées en partie à un dysfonctionnement du striatum, nos données permettent de proposer de potentiels mécanismes pathophysiologiques à la base de ces troubles.
Vous avez bénéficié d’une bourse de soudure de la part du LabEx BRAIN. Que vous a permis cette bourse ?
Ces études s’appuient sur des tâches comportementales longues afin d’appréhender la composante motivationnelle, mais également sur la genèse de souris transgéniques et double-transgéniques qui est parfois compliquée. Et je dois dire que je n’ai pas toujours eu de la chance avec mes reproductions d’animaux. Par ailleurs, les effets mentionnés plus haut quant à la prise alimentaire et l’activité ont été obtenus vers la fin de ma thèse. La bourse de soudure m’aura permis de compenser ce temps investi et pousser un peu plus loin nos études en vue d’une publication plus importante. C’est sans parler de la crise du Covid qui aura été critique dans l’avancée de la recherche en général.
Vous êtes en fin d’études, et si nous revenions un peu sur votre parcours ?
J’ai débuté mon cursus universitaire en intégrant la première année de médecine à l’université Joseph Fourier (UJF) de Grenoble (maintenant devenue l’université Grenoble Alpes). Mais la méthode d’enseignement ne me convenait pas, il me fallait quelque chose de plus didactique, intégrant des problématiques à résoudre ! C’est pour cette raison que je me suis alors dirigé en biologie en vue de faire de la recherche. Ce n’est qu’en 3e année de licence que je me suis pris de passion pour les neurosciences sous l’influence de mes enseignants et en particulier dans l’étude des maladies neuropsychiatriques et des circuits dopaminergiques.
Et pourquoi avoir choisi Bordeaux pour votre thèse ?
J’avais déjà entendu parler de Bordeaux comme étant un pôle très dynamique en neurosciences mais c’est surtout suite à un stage à Cambridge avec le docteur David Belin qui était lui-même ancien étudiant de l’université de Bordeaux que je me suis décidé. Bon… la transition entre vers le climat bordelais était aussi séduisante !
Quels conseils donneriez-vous aux étudiants en neurosciences ?
Pour les étudiants de masters, je dirais que s’ils sont déterminés à faire une thèse ils en trouveront une ! Et de ne pas en choisir une par défaut mais de prioriser le choix du sujet et l’entente avec l’équipe d’accueil : cela fait la différence.
Mise à jour: 24/06/20