Les récepteurs cannabinoïdes mitochondriaux responsables des troubles de la mémoire induits par les hormones du stress
Les situations stressantes peuvent affecter la façon dont les mémoires sont conservées dans notre cerveau. Lorsque notre corps perçoit un stress, les glandes surrénales fabriquent et libèrent le cortisol, la principale hormone corticotrope. Cette hormone régule de nombreux processus complexes visant à agir de la manière la plus adaptative à ce stress. Parmi ces processus, on trouve l’amnésie sélective qui a probablement pour but de se souvenir de cet évènement stressant, et ce, aux dépens d’autres évènements non liés à ce stress. Néanmoins, les mécanismes qui sont à la base de cette sélectivité restent encore à être précisés. Dans leur étude publiée en ligne le 24 Avril 2023 dans Neuron, l’équipe de Giovanni Marsicano au Neurocentre Magendie (INSERM U1215, Bordeaux) révèle que l’injection de corticostérone, l’équivalent du cortisol chez la souris, altère différentes étapes de la mémorisation et que les récepteurs cannabinoïdes CB1 localisés dans les mitochondries sont à la base de ces altérations.
Les auteurs ont montré que l’injection de corticostérone, une des hormones du stress, altère la capacité des souris à reconnaître un objet précédemment présenté au cours de deux phases différentes de la mémorisation, nommément la consolidation, lorsque l’information acquise est stockée par les circuits cérébraux, et la récupération, qui est le processus d’accès aux souvenirs ainsi stockés. Curieusement, les récepteurs CB1 mitochondriaux sont nécessaires à l’altération négative de la mémoire par la corticostérone, mais dans des types de cellules et des régions cérébrales différents pour chacun des deux processus mnésiques. En effet, l’altération de la consolidation est médiée par les récepteurs CB1 mitochondriaux dans les cellules noradrénergiques provenant du locus coeruleus alors que l’altération de la récupération de la mémoire est médiée par les récepteurs CB1 mitochondriaux dans les neurones GABAergiques de l’hippocampe.
A partir de ces observations, les chercheurs ont ensuite souhaité définir les mécanismes sous-jacents à ces altérations. Il est reconnu que la consommation de cannabis peut entraîner des troubles de la mémoire, tant chez l’homme que chez la souris. Il a été précédemment établi que les troubles de la mémoire provoqués par l’administration de cannabinoïdes chez la souris reposent sur des modifications de la respiration mitochondriale. Cependant, cela ne semble pas être le cas pour les troubles de la mémoire induits par la corticostérone. Les auteurs ont en effet constaté que ces derniers reposent plutôt sur une dérégulation de la dynamique du calcium mitochondrial. Cette découverte révèle pour la première fois que les cannabinoïdes exogènes, tels ceux présents dans le cannabis,, et les cannabinoïdes endogènes produits dans notre corps peuvent agir sur les processus mnésiques par des mécanismes cérébraux différents.
Ces résultats, qui pourraient aider à développer de meilleures stratégies pour traiter les troubles mnésiques liés au stress, soulignent qu’il existe une différence potentiellement importante entre l’action des « exocannabinoïdes » et des « endocannabinoïdes » dans le cerveau. Cette dernière observation aura certainement un impact sur les orientations futures de la recherche dans le domaine des cannabinoïdes. Enfin, ces données soulignent à nouveau l’importance des mitochondries et des processus bioénergétiques dans les fonctions cérébrales, des facteurs jusque-là sous-estimés.
Référence
Mitochondrial cannabinoid receptors gate corticosterone impact on novel object recognition
Urszula Skupio 1 2, Julia Welte 1 2, Roman Serrat 1 2, Abel Eraso-Pichot 1 2, Francisca Julio-Kalajzić 1 2, Doriane Gisquet 1 2, Astrid Cannich 1 2, Sebastien Delcasso 3, Isabelle Matias 1 2, Unai B. Fundazuri 1 2, Sandrine Pouvreau 1 2, Antonio C. Pagano Zottola 1 2 4, Gianluca Lavanco 1 2, Filippo Drago 5, Inigo Ruiz de Azua 6 7, Beat Lutz 6 7, Luigi Bellocchio 1 2, Arnau Busquets-Garcia 8, Francis Chaouloff 1 2 , Giovanni Marsicano 1 2
1 INSERM, U1215 NeuroCentre Magendie, Bordeaux 33077, France
2 University of Bordeaux, Bordeaux 33077, France
3 Aquineuro, Begles 33130, France
4 Institute for Cellular Biochemistry and Genetics, UMR 5095, Bordeaux 33077, France
5 Department of Clinical and Molecular Biomedicine, Section of Pharmacology and Biochemistry, University of Catania, Catania, Italy
6 Institute of Physiological Chemistry, University Medical Center, Mainz 55131 Germany
7 Leibniz Institute for Resilience Research (LIR), Mainz 55122, Germany
8 Cell-Type Mechanisms in Normal and Pathological Behavior Research Group, Neuroscience Program, IMIM Hospital del Mar Medical Research Institute, Barcelona 08003, Spain
Neuron
https://doi.org/10.1016/j.neuron.2023.04.001
Mise à jour: 17/05/23