Entretien : Anne-Louise Ponsonby
Source : Site web de l’université de Bordeaux
Anne-Louise Ponsonby, épidémiologiste et médecin de santé publique, dirige le service de neuroépidémiologie de l’Institut Florey des neurosciences et de la santé mentale à l’Université de Melbourne en Australie. Elle a effectué fin 2024 une mobilité de trois mois au sein de l’Institut des maladies neurodégénératives (IMN), dans le cadre du projet PsyCoMed encadré par Marc Landry.
PsyCoMed (Psychiatric disorders and Comorbidities caused by pollution in the Mediterranean area) est un consortium euro-méditerranéen de 13 partenaires coordonné par l’université de Bordeaux. Il a pour objectif de caractériser le rôle des polluants anthropiques dans la région méditerranéenne en tant que facteur de risque de troubles neuropsychiatriques et de comorbidité et de déterminer le rôle des réponses neuro-inflammatoires dans la progression de la maladie.
Comment a commencé cette collaboration et en quoi consiste votre travail de recherche ?
Mon hôte Marc Landry avait déjà des collaborations et des co-publications avec l’institut Florey notamment sur la douleur et la sédation. J’ai fait sa connaissance lors de sa visite à l’université de Melbourne car on s’intéressait tous les deux aux troubles de l’attention et l’hyperactivité. Quand son champ de recherche s’est étendu à la pollution par les plastiques et ses effets sur la santé humaine, j’ai été invitée à présenter les travaux de mon groupe de recherche à une réunion du consortium et puis notre collaboration a démarré.
Mon équipe fait de la recherche sur les conséquences de la pollution plastique pour sur la santé humaine depuis quelques années. Mes travaux récents portent sur l’exposition prénatale aux produits chimiques issus des plastiques et ses effets sur le développement neurologique de l’enfant. Nous sommes l’un des rares groupes de recherche à disposer d’une grande cohorte mère-enfant, avec de multiples mesures « omiques », telles que l’épigénomique, suivie depuis 10 ans. Par conséquent je voudrais partager mes connaissances avec les chercheurs qui débutent dans ce domaine. Je travaille aussi avec d’autres cohortes européennes. J’ai fait un lien entre le projet PsyCoMed et le consortium ENDpoiNTs (Novel testing methods for endocrine disruption linked to developmental neurotoxicity) dont l’institut Florey est partenaire.
Je m’intéresse beaucoup à l’analyse des données, la façon dont de multiples facteurs agissent ensemble dans l’apparition d’une maladie. Nous avons travaillé sur un possible lien entre l’exposition prénatale aux polluants plastiques et l’autisme chez l’enfant. Mais la raison pour laquelle un enfant est né avec l’autisme peut être multifactorielle. Les futurs parents peuvent habiter dans un endroit avec une forte pollution atmosphérique, présenter des facteurs de risque génétiques etc. L’analyse de ces données multifactorielles est un de mes projets actuels.
Le Neurocampus de Bordeaux a beaucoup de chercheurs de haut niveau avec les compétences complémentaires aux miennes notamment en biologie moléculaire et neurosciences. Donc, l’échange de compétences et d’expertise fonctionne dans les deux sens. Un projet de recherche pluridisciplinaire implique une grande variété d’experts ayant des compétences différentes. Nous devons unir nos forces pour rassembler les pièces du puzzle.
Est-ce que l’on peut éviter la pollution plastique ?
En tant que chercheurs, nous pouvons faire une campagne de sensibilisation pour informer la population sur l’exposition dont elle peut échapper. Par exemple, éviter de chauffer les aliments dans les contenants en plastique. Cependant, le plastique est omniprésent dans nos sociétés et il n’est pas possible de l’éviter complétement individuellement. Nous avons besoin de données scientifiques solides sur ce qui est sûr et ce qui ne l’est pas, afin que les gouvernements puissent réglementer l’exposition de la population aux polluants plastiques.
La majorité des polluants agissent comme des pro-oxydants. Notre recherche consiste à étudier on pourrait augmenter le niveau des anti-oxydants dans le corps pour essayer de contrebalancer les effets négatifs des polluants. C’est un des objectifs de PsyCoMed.
Nous vivons dans une époque très stimulante pour la science. Nous disposons d’une multitude d’outils non invasifs pour faire du biomonitoring des populations. Cela nous permet de mettre le doigt sur une problématique et d’en informer la population et les autorités pour prendre des mesures. Par exemple, grâce aux recherches on a pu détecter les trous dans la couche d’ozone et identifier les agents chimiques déterminants, puis prendre les mesures via le protocole de Montréal de 1987 pour la protéger en interdisant les produits chimiques identifiés. Ces efforts se sont avérés payants et la couche d’ozone est sur la voie de rétablissement. Nous espérons le même scénario pour le plastique grâce au traité mondial contre la pollution plastique.
Comment s’est passée votre mobilité ?
Vraiment très bien ! Faire de la collaboration internationale en Australie n’est pas toujours facile. Je participe souvent aux réunion et conférences pendant la nuit ou dois faire 20 heures de voyage en avion pour voir mes collègues. Ces 3 mois de présence m’ont permis d’échanger avec mes collègues bordelais et européens plus facilement et de nouer de nouvelles collaborations. Je remercie l’université de Bordeaux pour cette opportunité professionnelle !
Mise à jour: 21/01/25