Lieu : amphithéâtre de l’ENSTBB
(bâtiment avec la boule bleue, à côté de l’entrée du campus 135 rue Bethmann)
Soutenance en anglais
Théo Gauvrit
Neurocentre Magendie
Thèse dirigée par Andreas Frick
Title
Approches computationnelles pour l’analyse et la modélisation de l’expérience atypique dans l’autisme
Computational approaches for the analysis and modeling of atypical sensory experience in autism
Résumé
Comment le cerveau encode-t-il la perception des stimuli sensoriels provenant de notre environnement? Cette question, toujours en partie non élucidée, devient d’autant plus intrigante dans le contexte de l’autisme, une condition neurodéveloppementale caractérisée par une expérience sensorielle atypique parmi ses principaux symptômes. Ces altérations sensorielles, qui se manifestent souvent par une hyper- ou une hyporéactivité ou par une variabilité des réponses sensorielles, sont présentes chez la grande majorité des personnes autistes, impactent fortement leur vie quotidienne et contribuent à d’autres symptômes centraux de la condition. D’importantes altérations neurophysiologiques dans le cerveau sont suspectées de générer ces symptômes, mais le manque d’étude dans ce domaine rend les mécanismes sous-jacents et les cibles thérapeutiques potentielles peu clairs. Nous avons adopté une approche translationnelle préclinique pour explorer les bases neurobiologiques des expériences sensorielles atypiques dans le domaine tactile. Cela a impliqué l’enregistrement de l’activité neuronale spontanée et évoquée par des stimuli au niveau des neurones individuels dans le cortex somatosensoriel primaire (S1) de souris anesthésiées du modèle murin bien établi Fmr1-/y de l’autisme. Nous avons par la suite continué par la caractérisation de l’activité de la population neuronale de S1 avec une résolution cellulaire chez des animaux éveillés lors d’une tâche de prise de décision perceptuelle dans le même modèle de souris.
En examinant l’activité neuronale spontanée et évoquée par des stimuli dans des neurones individuels du S1, nous avons identifié une variabilité significative d’un essai à l’autre dans les réponses neuronales des souris Fmr1-/y, une caractéristique marquante du traitement sensoriel atypique chez les personnes autistes. Nous avons attribué les sources de cette variabilité à une augmentation du bruit neuronal endogène, se manifestant par des fluctuations aléatoires de l’activité neuronale, et à une instabilité du réseau, caractérisée par des états rapides, incohérents et contrastés. De plus, l’application locale (dans le S1) d’un agoniste des canaux BKCa a réduit l’hyperexcitabilité neuronale locale et corrigé de nombreuses caractéristiques des réponses synaptiques ainsi que leur variance, mais a eu peu d’effet sur la variabilité d’essai à essai, suggérant que cette variabilité et l’hyperexcitabilité sont moins étroitement liées que ce que l’on pensait auparavant.
Pour évaluer l’impact de ces altérations neuronales sur la détection tactile, nous avons combiné une tâche de prise de décision translationnelle (adaptée d’études humaines) avec de l’imagerie fonctionnelle dans le S1. Nos résultats ont reproduit les altérations tactiles multiformes observées chez les personnes autistes, avec une hyposensibilité tactile, une variabilité interindividuelle et des réponses comportementales peu fiables chez les souris Fmr1-/y. En examinant l’activité évoquée des neurones pyramidaux et GABAergiques, nous avons découvert que cette perception tactile altérée pouvait s’expliquer par un faible encodage du stimulus dans le S1, rendant la détection des stimuli plus vulnérable aux états du réseau en cours, et donc moins fiable. En réduisant l’hyperexcitabilité locale dans le S1 à l’aide d’un agoniste des canaux BKCa, nous avons renforcé l’encodage des stimuli et ainsi amélioré la détection tactile chez les souris Fmr1-/y.
Nos résultats soulignent le rôle crucial du bruit et de la variabilité neuronale dans le traitement de l’information sensorielle, ainsi que l’influence de l’hyperexcitabilité et des états du réseau sur la perception sensorielle. Cette approche translationnelle offre un aperçu mécanistique des fondements neuronaux de la perception tactile atypique dans l’autisme et met en lumière le potentiel thérapeutique de cibler ces mécanismes neuronaux pour améliorer la sensibilité et la fiabilité sensorielles chez les personnes autistes.
Mots clés: Autisme, Perception, Toucher, Bruit Neuronal, Cortex
Publications
Endogenous noise of neocortical neurons correlates with atypical sensory response variability in the Fmr1−/y mouse model of autism.
Arjun A. Bhaskaran, Théo Gauvrit, Yukti Vyas, Guillaume Bonny, Melanie Ginger, Andreas Frick
Nature Communnications 14, 7905 (2023). https://doi.org/10.1038/s41467-023-43777-z
Stimulus encoding shapes tactile perception and underlies alterations in autism
bioRxiv 2024.08.08.607129; doi: https://doi.org/10.1101/2024.08.08.607129
Ourania Semelidou, Théo Gauvrit, Célien Vandromme, Alexandre Cornier, Anna Saint-Jean, Yves Le Feuvre, Melanie Ginger, Andreas Frick
Jury
Rapporteur; M. Brice BATHELLIER; Directeur de Recherche; Université Paris-Cité – INSERM
Rapporteur; Mme. Elizabeth MILNE; Professeure; University of Sheffield
Examinateur; M. Ian DUGUID; Professeur; University of Edinburgh;
Examinateur; Mme. Susanna PIETROPAOLO; Chargée de Recherche; Université de Bordeaux – CNRS